Spécial Anvers // Devenir Fashion Designer
Entamer des études de stylisme, beaucoup de passionnés de mode en rêvent. Réputée mondialement, berceau des Six d’Anvers mais aussi de Martin Margiela (d’où les 6+ d’Anvers), Kris Van Assche, Christian Wijnants, Ek Thongprasert ou encore de Véronique Branquinho, l’Académie flamande est une des options les plus prestigieuses. A la tête du département Mode, Walter Van Beirendonck apporte sa vision, son expertise. Connue et appréciée pour stimuler au maximum la créativité de ses étudiants, la Section Monde de l’Académie d’Anvers fait fantasmer les futurs candidats dans le monde entier. En 1ère année, 75% des étudiants ne sont pas Belges et viennent ainsi des quatre coins de la planète: Espagne, Canada, Pologne, Corée, Australie, Russie, Syrie, notamment. Il règne entre les murs de l’école une ambiance internationale qui contribue largement à une émulation créative positive au sein de l’établissement.
Généralement moins de 10 étudiants sortent chaque année, leur diplôme en poche, de l’Académie. Le degré d’exigence de la formation est telle qu’un écrémage s’opère naturellement: plusieurs centaines de postulants à l’entrée, une soixantaine d’admis en 1ère année, une poignée seulement au terme de la 4ème, et dernière, année. Voilà de quoi casser le mythe entretenu par ceux qui aiment penser qu’une école de stylisme est réservée -désolée du terme- « aux branleurs ».
Pour en savoir plus sur le cursus à l’Académie d’Anvers, j’ai voulu, en marge du SHOW2014, rencontrer le Français Pierre Renaux. Diplômé l’an passé, il a été récompensé par le MoMu Award et le Coccodrillo Award, un prix de 1 000€ et l’opportunité éphémère de jouir d’une des vitrines du sublime magasin de chaussures anversois Coccodrillo. Un écrin de choix pour l’innovant et magnifique modèle que le créateur (dont l’univers -pour l’anecdote- a tapé dans l’oeil de Diane Pernet) a imaginé en collaboration avec les ingénieurs de l’entreprise louvaniste i.materialise, pionnière de l’impression en 3D.
« Il y a peu d’écoles de mode crédibles et l’Académie d’Anvers est certainement l’un des meilleurs établissements. J’ai aussi beaucoup aimé l’approche très naturelle du processus de sélection. On regarde le travail du candidat, on le rencontre et ensuite toute l’équipe de professeurs juge de son potentiel. Les autres écoles, en général, ont une approche plus impersonnelle: le candidat envoie son dossier et attend la réponse. Je trouve cela assez dommage. »
« Je venais de terminer le lycée, en France. Depuis tout petit, j’avais pris des cours de dessin car cela m’a toujours plu. En ce qui concerne la couture, par contre, je n’en avais jamais fait avant d’entrer à l’Académie. Je suis arrivé en première année sans avoir aucune notion. J’ai tout appris sur le tas. C’est là où ça a été dur: je me suis retrouvé avec des élèves plus âgés que moi, qui avaient déjà pour la plupart suivi un autre cursus avant. Du coup, j’ai dû rattraper le retard très vite. »
« Il faut être capable de dessiner, ça, c’est sûr. Décrire une silhouette avec les mots, personne ne comprendrait rien, ça n’aurait pas vraiment de sens. Savoir parler anglais est indispensable dans cette ambiance hyper internationale. Avoir un bon relationnel, également. A mes yeux, c’est important d’avoir, et de montrer, un intérêt pour beaucoup de choses, pas seulement pour la mode. D’ailleurs, je pense même qu’il faut faire preuve d’un certain détachement, ne pas entrer dans le cliché de la fashion victim: les élèves qui arrivent en 1ère année habillés en Hermès ou en Lanvin de la tête aux pieds ne restent généralement pas longtemps. Et évidemment, comme partout, il faut avoir envie de travailler. »
« En 1ère année, il y 3 pièces à réaliser pour prouver nos compétences techniques, notre créativité avec le tissu, notre approche du corps: une jupe, une robe et une veste. C’est très expérimental, on joue avec les matières. C’est également très encadré, très suivi par l’équipe pédagogique. Ce qui est important, c’est de savoir ce qu’on veut vraiment faire et comment séduire les professeurs. Il y a aussi beaucoup de design, on dessine énormément, beaucoup de collections qui ne verront jamais le jour. Elles prouvent aux professeurs qu’on est capables de passer en 2ème année où, là, il y aura une collection de 5 looks à créer. En 2ème Bachelor, les 5 looks évoqués à l’instant représentent le projet de l’année. On a aussi un costume historique à réaliser. On choisit une peinture, une gravure, d’une telle période et on doit reproduire ce costume avec les proportions, l’ambiance, le bon mannequin. L’idée est de développer notre approche de la texture et des textiles, notre expérimentation avec les matières. L’année qui suit, on passe un cran au-dessus: de 5 silhouettes, on passe à la conception de 8 looks et d’un costume ethnique, avec beaucoup plus d’expérimentation technique. Ca nous apprend énormément à faire de la recherche sur d’autres parties du monde, à agrandir nos horizons. C’est incroyable de voir ce que les étudiants peuvent dénicher dans les livres. En 4ème, il n’y a plus de costume à réaliser, on se concentre sur la collection. Au minium 12 looks. Tout au long de la formation, c’est essentiel d’emmener le jury dans son univers, de le séduire, de raconter une histoire et de faire comprendre en quoi le projet qu’on réalise nous concerne.
« Non. La seule compétition qui existe est celle par rapport à soi-même. De la compétition entre les étudiants, ça ne rimerait à rien. A chacun son univers. »
« Personnellement, je regrette qu’il n’y ait aucun stage obligatoire à l’Académie d’Anvers. Par conséquent, certains élèves sortent de Master et se prennent une véritable claque car ils n’ont pas été préparés au terrain et certains aspects leur échappent complètement. Pour pallier à ça, j’ai volontairement choisi de prendre une année de pause entre la 3ème et la 4ème année pour compléter ma formation par des stages. Certes, la créativité est hyper importante mais avoir une vision claire du marché, des enjeux, l’est, selon moi, également. »
« J’ai la chance de pouvoir travailler sur ma prochaine collection, en solo, mon foetus de marque [label éponyme, Pierre Renaux]. Un bel exercice en dehors du contexte de l’école, pour savoir de quoi je suis capable. Je profite que ma collection de fin d’étude ait été bien accueillie pour entretenir et développer des contacts. J’ai été invité à la présenter à la Fashion Week de Vancouver, en mars passé. Une superbe expérience. »
Photos: Alerte à Liège // Pierre Renaux’s graduation collection – Liquidation Totale (SHOW2013) // Fashion Design at the Antwerp Royal Academy.
Article et interview très intéressants !